Perdre et retrouver un emploi aux Etats-Unis avec un visa H1B

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L’année 2023 a démarré de façon assez brutale au niveau du marché de l’emploi. Comme vous le savez peut-être, de nombreuses entreprises ont procédé à des licenciements budgétaires assez massifs, surtout aux Etats-Unis. Vistaprint (la boîte pour laquelle je travaillais depuis presque 5 ans) n’a pas pu y échapper. Et malheureusement, j’ai fait partie de la dernière vague de départs.

Les chiffres étaient certes en berne depuis quelques mois, mais le channel SEO se portait bien. Mon supérieur a eu l’honnêteté de m’avertir un peu l’annonce officielle, mais c’est quand même un sacré choc. En moins de 3 mois, je suis passé d’une situation où je “préparais mon dossier pour avoir une promotion” à “tu vas devoir partir à cause des coupures budgétaires”.

L’objectif de cet article est de vous partager mon expérience en ce qui concerne la recherche d’un nouvel emploi sur le territoire américain lorsque l’on est possesseur d’un visa H1B encore valable. J’espère mon récit pourra inspirer des personnes qui se sont retrouvées dans la même situation que moi. Petite dédicace à ma femme Rana qui m’a été d’un soutien incroyable durant cette période difficile.

1) Négocier son lienciement avec un visa H1B

Lorsque j’ai appris la nouvelle concernant mon licenciement, j’ai également su que j’allais avoir un package de départ (comprendre par là que l’entreprise allait me verser plusieurs mois de salaires dû à mon ancienneté et ma position). Après avoir négocié un peu à la hausse mon indemnité de départ, 2 choix se sont offerts à moi pour la toucher.

Soit je recevais ce montant à la fin de mon dernier jour de travail, soit je percevais mon salaire normalement en restant sur la paie de l’entreprise toutes les deux semaines jusqu’à ce que l’indemnité de départ soit entièrement payée.

Lorsque vous détenez un visa H1B, la première chose à savoir est que vous avez 60 jours pour retrouver un emploi lorsque l’entreprise annonce au gouvernement que vous avez perdu votre job. Après cela, le gouvernement considère que vous devez quitter le pays (ou alors vous pouvez rester en tant que touriste mais votre H1B s’annule). 2 mois, ce n’est pas très long, même aux Etats-Unis. En complément de cette contrainte, sachez qu’il n’est pas possible de travailler à son compte ou accepter un contrat temporaire (c’est frustrant car les bonnes offres de contrats sont nombreuses aux US). Vous devez trouver un emploi à plein temps dans une entreprise qui acceptera de sponsoriser votre visa.

Evidemment, j’ai choisi la 2ème option lors mon licenciement. Ainsi, mon départ officiel n’a été annoncé que quelques mois plus tard, rallongeant ainsi considérablement le temps nécessaire pour retrouver un emploi (plus de 5 mois au lieu de 2, ça change tout lorsque vous avez un visa H1B), souffler un peu et pouvoir préparer sereinement la suite des choses.

2) Préparer son agenda pour la recherche d’emploi

Bien que cet exercice ne soit pas très fun, c’est quelque chose que je me suis forcé à faire car en étant rattaché à un visa, j’ai l’impression d’avoir un “timer” au-dessus de ma tête. Avant de démarrer la recherche d’emploi, j’ai aussi voulu mettre à plat les différents scénarios possibles :

Scénario 1 : je trouve un nouvel emploi en moins de 5 mois avec une entreprise qui accepte de sponsoriser mon visa H1B.

Scénario 2 : je n’arrive pas à trouver un nouvel emploi en moins de 5 mois et il faut retourner au Canada.

Le deuxième scénario a nécessité de m’informer sur un retour éventuel au pays. Combien cela coûterait pour tout déménager ? Ou habiterait-on à notre arrivée, sachant qu’il n’est pas possible de récupérer mon appartement et jeter mon locataire dehors si je ne lui donne pas quelques mois ? Bref, un scénario très loin d’être idéal mais qu’il a fallu préparer, surtout d’un point de vue budgétaire.

3) Mettre à jour son CV au format américain

Avant même d’atteindre mon dernier jour de travail, je me suis penché sur mon CV. Il fallait le mettre à jour, mais aussi éventuellement arranger un peu le format pour qu’il soit “efficace à parcourir” pour les recruteurs. Dans mon indemnité de départ, mon ancienne boîte m’a offert l’accès à un coach professionnel via TransitionSolution.

Au début, j’étais sceptique sur l’efficacité d’un tel service qui se veut être une aide à la transition entre 2 jobs, mais au final, Donna (stratège en carrière / consultante) m’a énormément aidé à parfaire ma recherche d’emploi et maximiser mon efficacité sur la façon de me vendre par écrit. Un grand merci pour son expertise ! Elle a été fantastique et a su me guider et me supporter du mieux possible durant ma recherche d’emploi (et croyez-moi, ce n’est pas facile de rester super motivé tous les jours lorsque l’on est dans cette situation).

Le CV a donc été la première chose à mettre à jour et au bon format, vu que j’allais postuler à un grand nombre d’offres d’emploi (au final, après le décompte, j’ai appliqué à plus de 90 offres en ligne en l’espace de 2 mois).

Résumé des changements majeurs effecuté sur mon CV :

  • Remanier le paragraphe qui présente rapidement qui je suis, ce que je fais et cherche à faire en utilisant les bons termes (entendre par là, les mots-clés qui veulent dire quelque chose pour le/la recruteur/euse et qui va permettre rapidement de voir si vous collez au poste).
  • Illustrer ce paragrahe avec un résumé visuel des compétences spécifiques (dans mon cas, j’ai choisi de faire un petit tableau avec SEO technique / Analytics pour SEO / Outils)
  • Réduire la longueur du CV à deux pages au lieu de trois.
  • Détailler mes responsabilités et réalisations (avec impact) sur mes plus récentes expériences (il est important que le CV soit davantage détaillé que le profil Linkedin).
  • Supprimer les détails sur les très anciennes expériences (en tout cas sur celles qui n’apporteront rien d’intéressant sur un possible recrutement).
  • Terminer le CV par la section “Education / Certifications” et Pro / Personal interests” tout en les limitant (il faut reconnaître qu’un recruteur s’en fiche de lire que vous adorez le voyage ou la photo, surtout si ça permet d’avoir un CV plus concis).

Mon CV est téléchargeable ici au format Word si vous êtes curieux, mais voici comment le haut de la première page a évolué entre l’ancienne et la nouvelle version :

Ancien CV Arnaud Mangasaryan
L’ancienne version
Nouveau CV Arnaud Mangasaryan
La nouvelle version du CV

Pour couper court au suspense, j’ai eu davantage de retours avec la nouvelle version que l’ancienne.

4) Effectuer ma recherche d’emploi

Avant de rentrer en détails dans la recherche d’emploi, la première chose que j’ai souhaité faire a été d’annoncer publiquement la perte de mon emploi, mon statut actuel et ce que je recherche. J’ai pris le temps de rédiger un message personnalisé sur mon profil Linkedin. La publication de ma situation en toute transparence a été le début à de nombreuses opportunités et j’ai été agréablement surpris par le nombre de réactions et partages que le message a suscité (j’ai eu aussi plusieurs personnes qui m’ont envoyé des messages privés).

Arnaud linkedin message layoff H1B visa

Ca m’a pris 2 mois de recherche pour retrouver un nouveau job. En 2 mois, j’ai appliqué à plus de 90 offres d’emploi dans mon domaine. Au préalable, je me suis assuré de mettre ma base de contacts Linkedin à jour (entendre par là ajouter plusieurs personnes avec qui j’ai travaillé pendant ces 5 dernières années ET avec qui il y a eu une bonne collaboration).

Dans ma recherche d’emploi, j’ai utilisé plusieurs approches (prendre en compte que le fait d’avoir un visa H1B complexifie un peu la chose) :

Appliquer à une offre d’emploi sans passer par le réseau professionnel

La démarche est simple : on voit une offre en ligne, on applique en rentrant quelques informations dans un formulaire, on y attache son CV (à jour) et on patiente. Ca doit aller vite et ne vous embêtez pas à faire une lettre de motivation, les recruteurs s’en fichent complètement.

Les systèmes que les RH utilisent pour recruter sont complètement cassés. Si vous n’avez pas tel ou tel mot clé spécifique dans votre CV, votre candidature peut être rejetée rapidement par le système. Si vous avez le malheur de préciser en amont que vous détenez un visa (malgré le fait que vous avez le droit de travailler sur le sol américain), il y a de fortes chances que votre candidature soit rejetée également. Vous pouvez aussi vous faire “ghoster” car votre application est tombée dans un trou noir (ou parfois le poste n’existe juste pas/plus). Et enfin, la fameuse réponse automatique générique qui vous arrive dans la figure sans trop savoir pourquoi.

Cela étant dit, on peut parfois avoir de la chance et le dirigeant d’une entreprise qui a vu que vous étiez en recherche d’emploi vous contacte via un Linkedin InMail.

Taux de réponse : 2% ou moins (même si vous incluez une lettre de motivation optionnelle).

Passer par des chasseurs de têtes pour trouver votre futur job

C’est une autre option que j’ai exploré pour ma recherche d’emploi. On m’a communiqué 2 ou 3 noms, mais je n’ai rien eu de très concret. J’ai eu l’impression que cette approche était plus prometteuse si on a un profil très technique (ingénieur, développeur…) tant les offres sur leur plateformes sont nombreuses dans ce domaine.

Dans le domaine du Web Marketing / Analytics, j’ai exploré trois plateformes liées à des chasseurs de tête / placement de talents : Creative Circle, Market Search et Mondo.com. J’ai eu très peu de retours ou d’offres intéressantes via les chasseurs. En revanche, lorsqu’il y en avait une pas mal, j’avais un suivi rapide et généralement, en 4-5 jours, je pouvais savoir si mon profil allait coller au poste ouvert.

J’ai également tenté de contacter directement les chasseurs de tête en personne, mais ils/elles me renvoyaient directement vers leur plateforme.

Taux de retour : 50% (100% si vous appliquez à une offre sur leur portail, mais elles ont été peu nombreuses dans mon cas).

Appliquer à des offres d’emploi et utiliser son réseau professionnel pour se connecter à l’interne

Troisième et dernière approche qui consiste à utiliser votre réseau professionnel, afin d’obtenir une référence de la part d’un de vos contacts auprès de quelqu’un qui travaille déjà pour l’entreprise pour laquelle vous postulez. C’est LA meilleure façon de cherche un nouveau job. Elle demande pas mal de temps, de faire l’effort de reconnecter avec vos anciennes relations (de la façon la plus personnalisée possible) mais ça marche !

Son fonctionnement en quelques mots :

  1. J’applique normalement à une offre d’emploi en ligne.
  2. J’utilise Linkedin pour trouver des contacts de 1er niveau qui connaissent du monde travaillant dans cette entreprise.
  3. J’écris un message à mon contact, en lui demandant subtilement s’il/elle pourrait me mettre en contact avec tel ou tel personne qui travaille dans l’entreprise X car j’ai vu une offre d’emploi qui pourrait bien me plaire (bien évidemment, je démarre mon message en prenant des nouvelles et en expliquant ma situation).
  4. Si la personne veut vous aider, elle va généralement créer un message groupée Linkedin en vous incluant afin de faire une petite introduction à la personne que vous voulez au final joindre (ou alors parfois juste parler avec cette personne et vous donner le “go” pour la contacter via Linkedin/email).
linkedin connections level 2 for a company
Tapez le nom de l’entreprise, cliquez sur “People” et affichez les connexions de niveaux 1 et 2 (assurez-vous que les personnes travaillent encore dans l’entreprise recherchée)

Je le redis, c’est le procédé sur lequel j’ai eu le plus de retours positifs et beaucoup de mouvements. C’est également un bon moyen de voir si vos anciens contacts professionnels veulent vraiment vous aider en vous donnant un peu de leur temps ou pas.

Taux de retour : plus de 80%.

Envoyer une candidature spontanée et faire connaître votre situation auprès de contacts clés

Une autre façon de procéder que j’ai utilisé est tout simplement de regarder un peu les entreprises qui m’intéressaient dans la région où j’habite (dans mon cas, analyser quelles entreprises sont basées dans les alentours de Boston).

A partir de là, je procédais de deux façons différentes :

  • Reprendre contact avec un(e) ancien(ne) collègue sympa qui travaille dans cette entreprise (même s’il n’y a pas d’offre d’emploi sur le site) et lui faire connaître ma situation.
  • Contacter des responsables d’outils/services que j’ai utilisé dans le passé et voir avec eux si l’un de leur client ne serait pas intéressé par un profil comme le mien.

Je tiens à préciser que ces deux approches sont valables. En revanche, vous devez avoir une très bonne relation avec les personnes que vous allez contacter, ce qui était mon cas. Bien évidemment, il n’y a aucune garantie à la fin, mais c’est un bon moyen de vous faire davantage repérer sur le marché.

Taux de retour : 100%.

Au final, gardez en tête qu’un maximum de personnes doit être au courant de votre situation actuelle, afin éventuellement de vous faire part d’opportunités. Ne partez pas du principe qu’un long message sur Linkedin suffira (même si il est lu par 400 personnes et qu’il a généré plus de 200 réactions et commentaires).

Quelques petits détails supplémentaires qui m’ont bien aidés entre deux jobs aux US

A quelle fréquence faire un suivi avec un contact

j’ai contacté de nombreuses personnes au sein de mon réseau professionnel. Et bien sûr, le délais entre chaque réponse variait énormément. Je me posais donc la question de la fréquence à laquelle je pouvais les relancer. Pas trop court sinon ça donne l’impression d’être désespéré, pas trop long car avec un visa H1B, je n’ai pas non plus l’éternité pour retrouver un emploi.

Au final, je me suis donné 10 jours ouvrés avant de relancer un contact si je n’avais pas de réponse et ça c’est très bien passé (j’ai même eu des personnes qui m’ont remerciées de les avoir relancées).

Aurais-tu un template à partager pour gérer ma recherche d’emploi ?

J’ai fait un Google Sheet afin de suivre ma recherche d’emploi au quotidien. Rien d’exceptionnel, mais si jamais vous voulez l’utiliser, il est accessible via ce lien.

job research template google sheet
Simple mais efficace (avec le visa H1-B, je voulais être efficace)

Quelles plateformes utiliser pour chercher un emploi

Linkedin reste ce qu’il y a de mieux aux US pour la recherche d’emploi. C’est là que j’ai pu trouver le maximum d’opportunités. A cela s’ajouter le très pratique SEOjobs.com dans mon domaine, ainsi que VentureFizz si vous habitez dans la région de Boston. Quoiqu’il en soit, vérifiez toujours que l’offre existe bien sur le site de l’employeur. Ca paraît bête, mais je me suis fait avoir 2-3 fois comme ça.

En revanche, je vous déconseille deux plateformes : Google (et oui, pour la recherche d’emploi, c’est moisi, il y a plein d’offres expirées et beaucoup moins de choix que sur Linkedin) ainsi que Geebo.com (une plateforme crade avec énormément d’offres expirées ou qui ne mènent à rien).

Remercier la personne avec qui vous avez eu une entrevue dans les 24h suivant l’appel

Un petit réflexe que j’ai failli oublier. A chaque fois que j’ai un appel avec une personne pour un poste auquel j’applique, je n’oublie pas de lui envoyer un petit email de remerciement le jour suivant et en mentionnant un point/topic dont on a discuté et pour lequel j’ai apprécié la conversation.

Trouver le bon moment pour mentionner le visa H1B

Au début, je préférais mentionner à la fin de l’entrevue avec le/la recruteur(se) que je possédais un visa H1B, ce qui veut dire que j’avais le droit de travailler sur le sol américain et qu’un simple transfert était necessaire. L’expérience m’a prouvé que j’ai eu tort de faire cela (vous n’imaginez pas le nombre de personnes qui bloquent lorsque vous avez un visa).

J’ai rapidement décidé de ne pas mentionner ce point, à moins que la personne ne me le demande. Tout de suite, cela a facilité les entretiens. D’ailleurs, l’entreprise qui m’a embauché ne me l’a demandé qu’à la dernière entrevue. Et la personne a bien compris que j’avais déjà un visa et qu’il n’y avait donc pas d’incertitude, mais juste un transfert de visa H1-B à faire (comprendre par là payer un avocat quelques heures et environ $2000 au gouvernement américain).

Ce montant n’est pas immense, même pour une petite structure. Et j’ai eu la preuve que certaines entreprises se donnent la peine de chercher le talent qui “fittera” à l’entreprise plutôt que d’éliminer directement les personnes qui ont un visa.

5) Faire la transition de son H1B vers le nouvel employeur

Lorsque l’offre est signée, le plus important est de rassurer son employeur sur les conditions de transfert du visa H1-B. En se renseignant un peu, on peut donner un estimé du temps nécessaire et des frais (entre 2 et 3 semaines pour le transfert).

Autre chose que je vous conseille : n’hésitez pas à demander au cabinet d’avocats de votre ancienne entreprise s’ils peuvent reprendre le dossier. Ils doivent certes faire la demande à votre ancienne boîte pour savoir s’ils peuvent prendre un nouveau client (ethique oblige), mais généralement, il n’y a pas de souci. Et comme ils ont déjà l’historique sur vous, le transfert ira bien plus vite qu’en passant par un nouveau cabinet.

En ce qui me concerne, cela a pris moins d’un mois de transférer le visa H1-B et avoir l’accord définitif du gouvernement US. Un grand merci à Intrepid Digital, et son fondateur, de m’avoir recruté ! Il est maintenant temps de débuter une nouvelle aventure.

PS : je publierai une version traduite en anglais dans les prochains jours.